Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/202

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à griller. Et comme il semblait qu’il eût bu de ce vin aigre de la contrée d’Auvergne, sa tête s’échauffa, et il nous fit ses plaintes. Il disait qu’en ce monde il n’est temps, ébattement ni gloire que de guerroyer à la façon des Compagnons. « Tous les jours, dit-il, nous avions nouvel argent. Les vilains d’Auvergne et de Limousin nous pourvoyaient et nous amenaient les blés, la farine, le pain tout cuit, l’avoine pour les chevaux et la litière, les bons vins, les bœufs, les brebis, et les moutons tout gras, la poulaille et la volaille. Nous étions gouvernés et étoffés comme rois ; et quand nous chevauchions, tout le pays tremblait devant nous. Tout était nôtre, allant et retournant. Les capitaines prenaient force argenterie, aiguières, tasses et vaisselle plate. Ils en emplissaient leurs arches ferrées. Quand notre captal, Mérigot Marchès, alla tenir le Roc de Vendas, il en laissa ici bonne provision. Où ? Je vous pleige que j’en sais peut-être quelque chose. Dites, compagnons, sang-Dieu, vous avez été dans les routes de gens d’armes, vous cherchez une compagnie ; nous pouvons faire convention. Allez, la France est notre chambre, c’est le paradis des gens d’armes. Puisqu’il n’y a plus de guerre, il est temps de lever notre argent. Je vous offre partage discret de l’argenterie et vaisselle de Mérigot Marchès ; elle est dans quelque rivière, près d’ici : j’ai grand besoin de vous pour la reprendre. »

Je regardai Jehannin de la Montaigne, qui levait le