Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/206

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dans la boue ; Jehannin de la Montaigne et moi nous creusions de nos basilaires. Jehannin cria soudain : « Je tiens l’arche ! » Alors nous tirâmes dans la boue sur un coffre de bois à ferrures dont le couvercle, toutefois, parut défoncé sous les mains. Et, la portant à la lune, qui éclaira nos vêtements boueux et nos figures pâles, nous vîmes que l’arche était vide d’argenterie, pleine seulement de limon, de pierres plates et de créatures molles avec du frai d’anguilles.

Soudain, en relevant les yeux, nous vîmes une femme à cotte perse qui pleurait. Et Robin le Galois s’écria que c’était Mariote Marchès, la femme de Mérigot, et qu’elle avait emblé l’argenterie ; le Verdois et le Manchot, jurant sourdement, allèrent vers elle. Mais elle appela « Mérigot !, » et, s’enfuyant vers les brousses, nous cria que c’était le douze juillet. Or, il y avait un an que Mérigot Marchès avait été mené à son dernier tourment. Dont les autres dirent que nous n’avions guère d’espoir de trouver son trésor en une semblable nuit ; parce que les esprits des justiciés volontiers hantent leurs biens terrestres aux jours et heures qu’ils sont trépassés, dans les années de retour. Et nous nous en revînmes le long de la Vanve, laquelle rivière coule en murmurant doucement. Et à coup nous remarquâmes, Robin, la Montaigne, le Verdois, le Manchot et moi, que le Compagnon Silencieux s’était évanoui dans les brousses. Alors Robin se mit à se lamenter ; et nous pensâmes