Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/150

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clair. Alain leva la tête vers le grand filet radiant. Les étoiles riaient toujours de leur rire de givre. Assurément elles n’avaient pas pitié de lui. Elles ne le connaissaient pas, puisqu’il était si longtemps resté enveloppé dans l’horreur épaisse de la forêt. Elles riaient de lui, étant hautes et éblouissantes, parce qu’il était petit et n’avait qu’une lampe vacillante et fumeuse. Elles riaient aussi du vieillard menteur, qui prétendait les connaître, et de ses deux cierges éteints. Alain les regarda encore. Riaient-elles pour se moquer, ou riaient-elles de plaisir ? Elles dansaient aussi. Elles devaient être joyeuses. Ne savaient-elles pas que le petit Alain allumerait l’une d’elles, comme Dieu lui-même ? Assurément Dieu le leur avait dit. Quelle devait être la sienne ? Il y en avait tant et tant. Une nuit sans doute elle se révélerait, descendrait auprès de lui, et il n’aurait qu’à la cueillir comme un fruit. Ou si elle ne voulait pas se laisser toucher, elle volerait devant lui avec ses ailes de feu. Et elle rirait avec lui, et il rirait du même rire qu’elle, et toute la vieille forêt serait semée de petites lumières qui ne seraient que des rires.