Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/60

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Et n’ayant point été libres sur terre, parce qu’ils étaient liés par les lois, les coutumes, ou leur propre souvenir, ils craignent l’isolement et ils se soutiennent les uns aux autres. Celle qui coucha nue dans les chambres dallées parmi les hommes console une jeune fille morte avant ses noces, et qui rêva impérieusement d’amour. Un qui tuait sur les routes, la face souillée de cendre et de suie, pose la main sur le front d’un penseur qui voulut régénérer le monde et prêcha la mort. La dame qui aima ses enfants et souffrit par eux cache sa tête au sein d’une hétaïre qui fut volontairement stérile. L’homme vêtu d’une robe longue qui se persuada de croire à son dieu, et se contraignit à des génuflexions, pleure sur l’épaule du cynique qui rompit tous les serments de chair et d’esprit sous les yeux des citoyens. Ainsi ils s’aident entre eux pendant leur route, marchant sous le joug du souvenir.

Puis ils viennent sur la rive du Léthé où je les place le long de l’eau qui coule en silence. Et les uns y plongent leur tête qui contint de mauvaises pensées, les autres y trempent leur