Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faction, pourvu que vous preniez soin de lui faire bien voir qu’il lit un article en langue étrangère. Vos erreurs (si vous en commettez) passeront ainsi pour les sottises des Allemands ou des Anglais et vous aurez fait œuvre de bon patriotisme[1].

N. B. — La plupart des dictionnaires allemands sont imprimés en caractères latins. Si vous ne pouvez lire la gothique des journaux, il faudra transcrire lettre à lettre, en cherchant dans l’alphabet placé en tête. Un peu d’habitude vous facilitera ce travail. Pour l’anglais, l’italien et l’espagnol, cette difficulté n’existe pas. Vous pouvez, sans courir de risques, refuser de traduire les journaux russes.

  1. Un bon exemple de cette manière de traduire a été donné par l’éminent publiciste anglais Edmund Gosse, dans la vie du poète Donne (The life and letters of John Donne. Londres, 1899, vol. 1, pp. 23 et 24.) Sa traduction de la devise espagnole de Donne Antes muerto que mudado est de tous points excellente. M. Gosse écrit Before I am dead how shall I be changed, c’est-à-dire Avant que je sois mort combien serai-je changé ! Un autre aurait mis : « Plutôt mourir que changer », qui serait évidemment mauvais. Le premier sens de antes dans votre petit lexique est avant : c’est celui qu’il fallait choisir. Qui ne voit, d’ailleurs, que « plutôt mourir que changer » n’est qu’un truisme de proverbe ? Au lieu que la pensée : « avant que je sois mort combien serai-je changé ! » se trouve inscrite sur le portrait de Donne par Marshall, fait en 1591. Donne avait 18 ans et il prévoyait déjà qu’il cesserait un jour d’être courtisan libertin pour devenir doyen de Saint-Paul. Tant une traduction exacte et littérale, faite selon les préceptes indiqués, peut éclairer sur l’histoire d’une âme et d’une vie entière !