Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec la violence bizarre que Boswell a su peindre, il a une qualité unique dans ce monde. Seulement ce catalogue pesant ressemble aux dictionnaires mêmes du docteur : on pourrait en tirer une Scientia Johnsoniana, avec un index. Boswell n’a pas eu le courage esthétique de choisir.

L’art du biographe consiste justement dans le choix. Il n’a pas à se préoccuper d’être vrai ; il doit créer dans un chaos de traits humains. Leibnitz dit que pour faire le monde, Dieu a choisi le meilleur parmi les possibles. Le biographe, comme une divinité inférieure, sait choisir parmi les possibles humains, celui qui est unique. Il ne doit pas plus se tromper sur l’art que Dieu ne s’est trompé sur la bonté. Il est nécessaire que leur instinct à tous deux soit infaillible. De