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IVANHOÉ

— Ô Jacob ! s’écria-t-il ; ô vous, les douze saints pères de nos tribus ! quel événement ruineux pour celui qui a observé religieusement tous les commandements de la loi de Moïse ! Cinquante sequins arrachés d’une seule rafle et par les griffes d’un tyran !

— Mais, mon père, dit Rébecca, vous avez paru donner cet or au prince Jean de votre pleine volonté ?

— De ma pleine volonté ? Que la lèpre d’Égypte le ronge ! s’écria Isaac. De ma pleine volonté, dis-tu ? Oui, aussi volontairement que lorsque j’ai jeté dans le golfe de Lyon mes marchandises à la mer pour soulager le navire ! aussi volontairement que j’ai couvert les flots furieux de mes belles soieries, que j’ai parfumé leur écume de myrte et d’aloès, que j’ai comblé leurs abîmes avec de l’or et de l’argent ! N’était-ce pas là une heure d’angoisse indicible, quoique mes propres mains accomplissent le sacrifice !

— Mais c’était un sacrifice que le ciel exigeait pour sauver notre vie, répondit Rébecca, et le Dieu de nos pères, depuis ce temps, a béni votre bien et vos entreprises.

— Oui, répondit Isaac ; mais, si le tyran s’en empare, comme il l’a fait aujourd’hui, en nous forçant à sourire quand il nous vole !… Ô ma fille ! déshérités et errants comme nous le sommes, le pire des maux qui tombe sur notre race est, lorsqu’on nous injurie et qu’on nous pille, que tout le monde se moque de nous ; et nous sommes forcés de cacher le ressentiment de nos injures et de sourire timidement, au lieu de nous venger avec courage.

— Ne songez pas à cela, mon père, dit Rébecca ; nous aussi, nous avons nos avantages : ces gentils, tout cruels et oppresseurs qu’ils sont, dépendent en quelque sorte des enfants dispersés de Sion, qu’ils méprisent et persécutent. Sans le secours de nos richesses, ils ne sauraient équiper leurs armées pour la guerre, ni pourvoir à leurs triomphes pendant la paix ; et l’or que nous leur prêtons revient avec usure dans nos coffres. Nous ressemblons à cette herbe qui, plus