Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
IVANHOÉ

Ah ! quatre-vingts sequins, c’est trop peu. Je n’aurais rien pour les intérêts de mon argent, et, d’ailleurs, le bon cheval aura dû souffrir dans le combat d’aujourd’hui. Oh ! c’était une rude et dangereuse mêlée ! Hommes et coursiers s’élançaient les uns sur les autres comme les taureaux sauvages de Basan ! Le cheval doit avoir souffert.

— Et moi, je vous dis, reprit Gurth, qu’il est parfaitement sain d’haleine et de corps. Vous pouvez le voir à cette heure dans votre écurie, et je crois en somme que soixante et dix sequins sont assez pour l’armure, et la parole d’un chrétien vaut bien celle d’un juif, j’espère. Si vous ne voulez pas accepter soixante et dix sequins, je rapporterai ce sac à mon maître.

En disant ces mots, il secoua le sac et fit sonner les sequins.

— Non, non, dit Isaac, dépose les talents et les shekels, compte les quatre-vingt sequins, et tu verras que je serai généreux envers toi.

Gurth à la fin consentit, et, quand il eut compté les quatre-vingt sequins sur la table, le juif lui délivra une quittance pour le cheval et l’armure.

La main du juif tremblait de joie en serrant les premières soixante et dix pièces d’or. Les autres dix, il les compta avec beaucoup plus de circonspection, et disant quelques mots à chaque pièce qu’il enlevait de la table et qu’il laissait tomber dans sa bourse. Il semblait que son avarice luttait contre de meilleurs sentiments et le forçait d’empocher sequin sur sequin, tandis que sa générosité l’engageait à en restituer au moins une partie à son bienfaiteur, ou à en gratifier son agent.

Il discourait à peu près ainsi :

— Soixante et onze, soixante et douze… Ton maître est un brave jeune homme !… Soixante et treize… Un excellent jeune homme !… Soixante et quatorze… Cette pièce est rognée dans son pourtour !… Soixante et quinze… Celle-ci ne me paraît pas avoir le poids !… Soixante et seize… Lorsque