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IVANHOÉ.

lequel, à cause de la conduite passive et indifférente qu’il avait manifestée le premier jour de la joute, avait été nommé le Noir fainéant par les spectateurs.

Le chevalier avait quitté brusquement la lice quand la victoire fut décidée, et, lorsqu’on le somma de se présenter pour recevoir le prix de sa valeur, on ne put le trouver nulle part. Sur ces entrefaites, pendant que les hérauts l’appelaient par la voix des trompettes, le chevalier se dirigeait vers le nord, évitant tous les chemins fréquentés et prenant la route la plus courte à travers les bois ; il s’arrêta, pour passer la nuit, à une petite hôtellerie écartée de la route ordinaire, et, là, il obtint d’un ménétrier vagabond des nouvelles sur le résultat du tournoi.

Le lendemain matin, le chevalier se remit en route de bonne heure, ayant l’intention de faire une longue traite ; il avait eu soin d’épargner son cheval pendant le jour précédent, pour lui permettre de fournir une course extraordinaire sans avoir besoin de se reposer. Cependant ses espérances furent déçues : les sentiers au milieu desquels il s’avançait étaient si tortueux, que, lorsque le soir vint le surprendre, il se trouvait sur la frontière du West Riding d’Yorkshire. À cette heure, le cheval et l’homme avaient grand besoin de se rafraîchir, et il devenait urgent de chercher quelque endroit où ils pussent passer la nuit.

Le lieu où le voyageur se trouvait semblait peu propice pour obtenir un abri ou des rafraîchissements, et il allait probablement être réduit à l’expédient ordinaire des chevaliers errants, qui, en pareille occasion, laissaient leurs chevaux paître et se couchaient eux-mêmes sur la terre pour songer à la dame de leurs pensées, ayant pour tout dais les branches d’un chêne.

Mais le chevalier noir n’avait peut-être pas de maîtresse à qui songer, ou bien encore, aussi indifférent en amour qu’il paraissait l’être en guerre, était-il trop peu préoccupé de ces réflexions passionnées sur les belles et les cruelles, pour en arriver à neutraliser les effets de la fatigue et de la