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l’anglo-saxon, si mâle et si expressif, était abandonné à l’usage des paysans et des serfs, qui n’en savaient pas d’autre. Peu à peu, cependant, la communication obligée qui existait entre les maîtres du sol et les êtres inférieurs et opprimés qui cultivaient ce sol, avait donné lieu à la formation d’un dialecte composé du franco-normand et de l’anglo-saxon, dialecte à l’aide duquel ils pouvaient se faire comprendre les uns des autres, et de cette nécessité se forma graduellement l’édifice de notre langue anglaise moderne, dans laquelle l’idiome des vainqueurs et celui des vaincus se trouvent confondus si heureusement, et qui a été si heureusement enrichie par des emprunts faits aux langues classiques et à celles que parlent les peuples méridionaux de l’Europe.

J’ai jugé à propos d’exposer cet état de choses pour l’instruction du lecteur peu familiarisé avec cette époque, lequel pourrait oublier que, bien qu’aucun événement historique, tel que la guerre ou même l’insurrection, ne marquât, après le règne de Guillaume II, l’existence des Anglo-Saxons, comme peuple à part, néanmoins, les grandes distinctions nationales qui existaient entre eux et leurs conquérants, le souvenir de ce qu’ils avaient été autrefois et la conscience de leur humiliation actuelle continue, jusqu’au règne d’Édouard III, à tenir ouvertes et saignantes les blessures infligées par la conquête, et à maintenir une ligne de démarcation entre les descendants des Normands vainqueurs et des Saxons vaincus.

Le soleil se couchait sur une riche et gazonneuse clairière de cette forêt que nous avons signalée au commencement de ce chapitre ; des centaines de chênes aux larges têtes, aux troncs ramassés, aux branches étendues, qui avaient peut-être été témoins de la marche triomphale des soldats romains, jetaient leurs rameaux robustes sur un épais tapis de la plus délicieuse verdure. Dans quelques endroits, ils étaient entremêlés de hêtres, de houx et de taillis de diverses essences, si étroitement serrés, qu’ils in-