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IVANHOÉ.

dans ses yeux, égarés par la folie. Elle brandissait la quenouille qu’elle tenait à la main, comme si elle eût été une des fatales sœurs qui filent et tranchent le cours des destinées humaines.

La tradition a conservé quelques-unes des strophes sauvages de l’hymne barbare qu’elle chantait avec une sorte de frénésie au milieu de cette scène de feu et de carnage[1] :

I

Aiguisez le brillant acier,
Fils du dragon blanc ;
Allume la torche,
Fille d’Hengist !
L’acier ne brille pas pour découper les viandes du banquet ;
Il est d’une trempe ferme et dure, il est bien aiguisé.
La torche n’est pas destinée à la chambre nuptiale.
Sa flamme sulfureuse a des éclairs bleuâtres.
Aiguisez l’acier, les corbeaux croassent ;
Allumez la torche, Zernebock rugit ;
Aiguisez l’acier, fils du dragon ;
Allume la torche, fille d’Hengist.

II

Le noir nuage est descendu jusque sur le château du thane ;
L’aigle crie ; il est en croupe sur le nuage.

  1. L’antiquaire comprendra sans peine qu’on a voulu imiter dans ces vers la poésie antique des scaldes, les ménestrels des anciens Scandinaves, cette race si heureusement dépeinte par le poète lauréat :

    Sévères à punir et opiniâtres à souffrir ;
    Qui sourirent à la mort.

    La poésie des Anglo-Saxons, dans les temps plus civilisés qui suivirent leur conversion, fut d’un caractère différent et plus doux ; mais, dans les circonstances où se trouve Ulrica, on peut naturellement supposer qu’elle revienne aux accents sauvages qui avaient animé ses ancêtres au temps du paganisme et de leur indomptable férocité.