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IVANHOÉ.

apprends qu’il vaut mieux rester paralytique que de devoir le bienfait de sa guérison au secours de mécréants qui tiennent du démon le pouvoir de dire : « Lève-toi et marche ! » Apprends qu’il vaut mieux dépouiller les infidèles de leur trésor par la force que d’accepter les dons de leur bienveillance, ou de les servir pour un salaire… Retire-toi, et fais comme j’ai dit.

— Hélas ! répondit le paysan, si Votre Grandeur ne s’offense pas de l’observation, cette leçon vient trop tard pour moi, car je ne suis qu’un homme impotent ; mais je dirai à mes deux frères, qui sont au service de Nathan Ben-Samuel le Riche, que Votre Seigneurie a dit qu’il est plus légitime de le voler que de le servir fidèlement.

— Qu’on fasse retirer ce misérable bavard ! s’écria Beaumanoir, qui n’était pas préparé à réfuter cette application pratique de sa maxime générale.

Higg, fils de Snell, rentra dans la foule ; mais, s’intéressant au destin de sa bienfaitrice, il resta dans la salle, au risque d’attirer de nouveau le regard de ce juge sévère dont la vue le glaçait d’effroi.

En ce moment, le grand maître ordonna à Rébecca de lever son voile.

Ouvrant alors la bouche pour la première fois, elle répondit doucement et avec dignité :

— Ce n’est pas la coutume des filles de mon peuple de se découvrir le visage lorsqu’elles se trouvent seules dans une assemblée étrangère.

Les tons suaves de sa voix, et la douceur de sa réponse, éveillèrent dans l’auditoire un sentiment de pitié et de sympathie. Mais Beaumanoir, qui regardait comme un acte de vertu de réprimer tout sentiment d’humanité qui eût pu s’interposer entre lui et son devoir imaginaire, répéta ses ordres. Les gardes allaient donc écarter le voile de Rébecca, lorsqu’elle se leva, et, s’adressant au grand maître et aux chevaliers qui l’entouraient :

— Pour l’amour de vos filles !… s’écria-t-elle. Hélas ! j’oubliais