Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/580

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— C’est un mensonge, un mensonge insigne ! dit le frère ; car je l’ai vu porter à son château de Coningsburg.

— Eh bien ! si vous savez l’histoire, contez-la vous-même, mon maître, dit Dennet en se tournant d’un air d’humeur vers son contradicteur obstiné.

Et ce ne fut pas sans peine que le rustre consentit à continuer son récit, à la prière du ménestrel.

— Ces deux sobres frères, dit-il enfin, puisque ce révérend veut qu’ils soient sobres, avaient continué de piquer leur bonne ale, leur vin et des liqueurs pendant presque tout un jour d’été, lorsqu’ils furent réveillés par un profond gémissement et un bruit de chaînes ; puis l’ombre d’Athelsthane pénétra dans l’appartement en leur criant : « Misérables pasteurs !… »

— Cela est faux ! s’écria le frère vivement ; il n’a pas prononcé un mot.

— Oh ! oh ! frère Tuck, dit le ménestrel en le tirant à l’écart, tu laisses donc prendre le lièvre au gîte ? Tu t’es vendu toi-même.

— Je t’assure, Allan-a-Dale, reprit l’ermite, que j’ai vu Athelsthane de Coningsburg aussi bien que jamais yeux du corps ont pu voir un homme vivant. Il portait son linceul et répandait autour de lui une odeur de sépulcre. Un muid de vin des Canaries ne l’effacerait pas de ma mémoire.

— Bah ! répondit le ménestrel, tu plaisantes.

— Qu’on ne croie jamais un mot de moi, dit le frère, si je ne lui allongeai pas un coup de mon bâton qui aurait suffi pour assommer un bœuf, et si le coup ne lui glissa pas à travers le corps comme si c’eût été une colonne de fumée.

— Par saint Hubert, reprit le ménestrel, c’est un conte merveilleux et digne d’être mis en vers sur l’ancien air : La tristesse visita le vieux frère.

— Ris, si tu veux, dit le frère Tuck ; mais, si tu m’attrapes jamais à chanter sur un pareil sujet, que le premier spectre