Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/201

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quelque credit ſur l’eſprit d’un homme, qui pouvoit tout ſur celuy du Prince ſon Pere : & d’eſtre en eſtat de l’empeſcher de nuire à Abradate, que je connoiſſois bien qu’il n’aimoit pas. Joint que j’eſperay meſme que mes conſeils pourroient peut-eſtre le guerir du mal qui le tourmentoit : ainſi ce fut pluſtost pour le ſervice de la Princeſſe, & pour le repos de Perinthe que par curioſité, que je voulus sçavoir le ſecret de ſon cœur. Pour luy, il ne m’a jamais bien pü dire, pourquoy il me l’advoüa : n’ayant jamais pû bien determiner ſi ç’avoit eſté afin que je le diſſe à la Princeſſe, ou afin de m’obliger à ne luy dire pas. Quoy qu’il en ſoit, Perinthe m’advoüa ſa paſſion ; me raconta tous ſes tranſports ; & me dit tous les ſentimens qu’il avoit eus, tels que je vous les ay dits en divers endroits de mon recit. De ſorte qu’apres m’avoir exageré la grandeur de ſon amour ; ſa pureté ; & ſa conſtance ; jugez Pherenice, me dit il, ſi je n’ay pas eu raiſon de vous prier, que mon nom ne ſerve point à rendre Abradate heureux ? Perinthe (luy dis-je avec beaucoup de douceur, afin d’aquerir quelque credit ſur ſon eſprit) je vous ſuis bien obligée de m’avoir advoüé une choſe que j’avois envie de sçavoir de voſtre bouche : auſſi vous puis-je aſſurer, que je cacheray auſſi ſoigneusement que vous, le ſecret que vous m’avez confié. Ha Pherenice, s’eſcria t’il, vous le chacherez peut-eſtre trop bien ! & je ne sçay, ſi dans le temps que je vous ay priée de ne le reveler pas, je n’ay point deſiré que vous le diſſiez à la….. A ce mot Perinthe s’arreſta, ne pouvant achever de dire la Princeſſe : puis tout d’un coup ſe reprenant ; non non Pherenice, me dit il, n’eſcoutez pas mes tranſports. & eſcoutez touſjours la raiſon : qui veut que je