Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/21

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rien. Voſtre vertu eſt ſi grande, repliqua Panthée, que comme les Dieux ne ſont pas injuſtes, vous avez tort de deſesperer de voſtre bonheur. Puis que vous n’eſtes pas heureuſe, reſpondit Cyrus, & que la Princeſſe Araminte eſt infortunée, j’aurois tort de m’aſſurer ſur le peu de vertu que j’ay : & puis. Madame, il eſt aiſe de voir qu’il y a certaines choſes qui paroiſſent juſtes devant les hommes, qui ne le ſont point devant les Dieux : car enfin il faut advoüer que le Roy d’Aſſirie, le Roy de Pont, & le Prince Mazare, qui mourut aupres de Sinope, ſont trois Princes en qui on n’a remarqué aucun crime, que celuy d’avoir trop aimé Mandane. Cependant on voit que cette Princeſſe, qui eſt la vertu meſme, a fait tout le malheur de leur vie & de la mienne. Mazare en a perdu le jour ; le Roy de Pont la liberté & le Throſne ; & le Roy d’Aſſirie la Couronne & la liberté auſſi. Apres cela, Madame, que doit on penſer de l’avenir ? & ne faut il pas conclurre, que qui pourroit n’y penſer point, ſeroit aſſurément fort ſage ? Toutefois j’avouë à ma confuſion, que je ne fais autre choſe, que d’avancer par ma prevoyance, les malheurs qui me doivent arriver : il vaudroit donc bien mieux, reprit la Princeſſe Araminte, ſe ſouvenir des choſes paſſées : quand elles ſont agreables, repliqua Panthée, le ſouvenir en afflige lors qu’on ne les poſſede plus : & quand elles ſont fâcheuſes, reprit Araminte, elles conſolent, parce qu’on s’en voit delivré. Car pour moy quand je me ſouviens de l’eſtat où j’eſtois dans Capira, lors que le laſche Artane m’y retenoit, il me ſemble que puis que je ſuis ſortie d’une ſi rude captivité, il ne me doit pas eſtre deffendu d’eſperer de ſortir d’une plus douce. Et pour moy, adjouſta