Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/390

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qui l’adore, & pour qui elle mépriſe tous ceux qui ont de l’amour pour elle ? Pour vous teſmoigner, dit Mazare, que je n’ay point d’intereſt caché : c’eſt qu’aujourd’huy que vous me connoiſſez pour ce que je ſuis, je vous dis encore la meſme choſe : & je vous conjure de tout mon cœur, de redonner la liberté à la Princeſſe Mandane. je vous engage meſme ma parole, qu’en reconnoiſſance de ce que vous luy avez conſervé la vie, & de ce que vous l’aurez delivrée, de partager un jour aveque vous le Royaume que je dois poſſeder, ſi nous ne pouvons conquerir les voſtres. Non non, interrompit le Roy de Pont, vous ne voulez pas ce que vous dittes : ou ſi vous le voulez, vous n’eſtes plus mon Rival, & je puis vous regarder comme mon Amy. je ne sçay pas preciſement, repliqua t’il, ſi je ſuis voſtre Amy ou voſtre Rival, tant ma raiſon eſt troublée : mais je sçay touteſfois que j’aime Mandane plus parfaitement que vous : puis que ne pouvant en eſtre aimé, je sçay borner mes eſperances, & ne chercher plus que ſon repos. Si vous sçaviez, adjouſta t’il, auſſi bien aimer que je le sçay, vous ſentiriez plus que vous ne faites, les ſouffrances de la perſonne aimée : pour moy qui ay creû l’avoir veuë noyer, je ſerois plus ſensible à ſes larmes que vous n’eſtes : & je ne ſerois pas capable d’eſtre ſi longtemps criminel. Au nom des Dieux, luy dit il encore, repentez vous comme je me ſuis repenty : & ne ſouffrez pas qu’un de vos Rivaux, ait cét avantage là ſur vous. Au reſte, ne penſez pas que je die que je ne pretens plus rien à la Princeſſe Mandane, pour m’empeſcher d’avoir un Ennemy auſſi vaillant que vous l’eſtes : car l’ay ſi peu d’attachement à la vie, que ſi je ne conſiderois que moy, je devrois chercher une pareille occaſion,