Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/159

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à Mitradate pour l’exposer : au contraire, de la façon dont il fit son recit, il sembloit qu’il eust dessein de le sauver. En suitte, il luy apprit quelles intelligences il avoit dans la Province des Paretacenes ; & luy fit voir effectivement, que s’il vouloit estre le Chef des Troupes qu’il pouvoit mettre en campagne ; & authoriser de son nom & de sa presence, le Party qu’il avoit formé ; il pouvoit facilement envahir toute la Medie.

Cependant Cyrus l’ayant paisiblement escouté, fut quelque temps sans parler : puis reprenant la parole, avec un visage un peu plus triste qu’auparavant, je ne sçay Harpage, luy dit il, si je dois me pleindre de vous, ou vous remercier : mais je sçay bien que vous m’avez causé une sensible douleur : en m’apprenant que je suis la cause innocente, de l’injustice d’un Prince, en la gloire duquel je me dois interesser. La vostre, luy respondit Harpage, vous doit encore estre plus considerable ; & c’est pour cela, repliqua Cyrus, qu’il ne m’est pas permis de songer à la vangeance. Cruel Ami, s’ecria t’il, quelle proposition me venez vous faire ? Vous me venez offrir une Armée, dont je n’oserois me servir : vous me faites connoistre un Ennemi que je dois respecter, au lieu de le combattre : & vous me proposez tant de choses injustes & agreables tout ensemble ; que j’admire comment il est possible que mon cœur n’en soit pas esbranlé. Cependant Harpage, malgré cette boüillante ardeur que j’ay, d’acquerir un jour ce glorieux bruit, qui fait conquester des Couronnes, ou qui du moins les fait meriter ; je ne balance point sur la resolution que je dois prendre : & quoy que je fois en un âge, où l’on ne doit au plus donner que des marques de valeur ;