Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/180

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Mais Feraulas, disoit il en se tournant de son costé, cette derniere chose ne m’inquiete gueres ; & si l’autre ne me tourmentoit pas davantage, j’en serois bien tost consolé. Feraulas aussi bien que moy, le consoloit de cette petite disgrace, que nous ne croiyons pas aussi grande qu’il la croyoit. Cependant nous arrivasmes dans Babilone, que nous visitasmes avec grand soing : le Prince en observa toutes les Fortifications : & j’estois estonné de voir, avec quel jugement il parloit des choses qu’il ne pouvoit pas mesmes avoir aprises. Cette humeur guerriere qui le possedoit, faisoit qu’il s’arestoit bien plus à tout ce qui avoit quelque raport avec elle, que non pas aux autres choses : il consideroit bien plus attentivement, les prodigieuses Murailles de cette grande Ville ; les fossez pleins d’eau qui l’environnent ; les cent Portes d’Airain qui la ferment ; L’Euphrate qui la divise & qui la rend plus forte ; que non pas la magnificence du Palais des Rois ; celle de ces merveilleux jardins, que l’on a dit qui estoient en l’air, parce qu’ils sont sur les Maisons & sur les Murailles ; ny que celle du Temple de Jupiter Belus, qui est pourtant, comme vous le sçavez, une des plus rares choses du Monde. Toutes les fois que nous nous promenions, ou que nous faisions voyage, toutes ses pensées n’alloient qu’à la guerre : Si je voulois prendre cette Ville, nous disoit-il, je l’attaquerois par un tel costé : une autrefois voyant une Plaine ; où il y avoit quelque petite eminence, il me demandoit s’il ne faudroit pas s’en rendre Maistre si l’on avoit à donner Bataille en cét endroit ? & l’on eust dit dés ce temps là, veû la façon dont il regarda Babilone, qu’il avoit desja dessein de la prendre ; & qu’il sçavoit desja