Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/187

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par toute la Terre ; tant pour l’excellence de son Art, que pour le Dauphin qui le sauva, comme vous l’avez sçeu sans doute.

Je ne m’amuse pas, Seigneur, à vous dire que nous vismes mille belles choses pendant ce voyage, que mon Maistre remarqua, avec beaucoup de jugement ; & qu’il profita de tout ce qu’il y avoit de bon, dans les mœurs ou dans les coustumes, de tous ces Peuples differens que nous visitames : estant aisé de connoistre, par le grand nombre des vertus qu’il possede, que c’est une acquisition qu’il a faite en plus d’un lieu. Mais je vous diray enfin, que Corinthe ayant un Port où l’on aborde de toutes parts ; nous sçeûmes que la guerre de Lydie & de l’Jonie estoit declarée : & qu’apres que cét orage avoit si long temps grondé, il estoit fondu sur ces deux Provinces. Si bien qu’Artamene impatient qu’il estoit, de se voir des ennemis à combattre ; se resolut de s’en aller jetter dans Ephese, pour la deffendre contre Cresus qui l’attaquoit : voulant du moins, dit il à Periandre en prenant congé de luy, recompenser en quelque sorte les Grecs Asiatiques, de la civilité qu’il avoit rencontrée, parmy les veritables Grecs. Ainsi Periandre nous ayant fait trouver un Vaisseau bien equipé, nous nous mismes à la voille, avec un vent tres favorable. Artamene croyant avoir bien tost une occasion de mettre en pratique, cette valeur prodigieuse, que la Nature luy à donné, & que le desir de la gloire, a porté à un si haut point ; estoit dans une joye qui n’est pas imaginable : Mais la Fortune qui estoit lasse de le faire attendre si long temps, les occasions de se signaler ; luy en donna une qu’il n’attendoit pas ; & qui pensa luy estre bien funeste.