Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/204

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voile par deux fois en entrant au Temple, je remarquay cette derniere beauté, comme j’avois desja remarqué toutes les autres. Mais enfin Seigneur, de toutes ces beautez, & de tous ces charmes, que je ne vous ay décris si au long, que pour vous rendre Artamene plus excusable ; il resultoit un agréement en toutes les actions de cette illustre Princesse, si merveilleux & si peu commun ; que soit qu’elle marchast ou qu’elle s’arrestast ; qu’elle parlast ou qu’elle se teust ; qu’elle sous-rist ou qu’elle resvst ; elle estoit toujours charmante & tousjours admirable. Ce fut donc par une si belle apparition, qu’Artamene fut surpris, lors que n’attendant que Ciaxare, il vit arriver Mandane telle que je l’ay dépeinte, & plus belle encore mille fois : aussi en fut il tellement charmé, que partant de sa place, il la suivit jusques au pied de l’Autel, où elle se fut mettre à genoux. Feraulas & moy voyant qu’il se mesloit parmy ceux qui la suivoient, fismes aussi la mesme chose : & nous remarquasmes qu’il s’estoit placé de façon, qu’il pouvoit voir la Princesse & en estre vû. Pour moy je ne vy de ma vie une pareille chose : car imaginez vous, Seigneur, que depuis que la Princesse de Capadoce fut entrée dans ce Temple, Artamene ne vit plus rien, de tout ce qui s’y passa. Il ne sçeut si c’estoit un Sacrifice, ou une Assemblée pour donner des Prix à des Jeux publics ; & il ne vit rien autre chose que Mandane. Il la regarda tousjours ; & en la regardant, il changea diverses fois de couleur. Il nous a dit depuis, qu’il se trouva si extraordinairement surpris de cette veuë ; & si fortement attaché par un si bel Objet ; qu’il luy fut absolument impossible, d’en pouvoir detourner les yeux.