Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/230

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mon Maistre : neantmoins, ne voulant pas me fier en ma propre raison, en une chose de cette importance ; je fis offrir le lendemain un Sacrifice aux Dieux, pour les prier de m’inspirer ce que je devois faire, dans une conjoncture si delicate. Mais il me sembla, que depuis que je l’eus offert, je me sentis si puissamment confirmé, en la resolution de laisser agir Artamene, selon les mouvemens de son amour ; que je crus en effet, que ce seroit m’opposer aux ordres du Ciel, que d’apporter un plus long obstacle à son intention. Et de cette sorte, la prudence humaine, qui est une aveugle, pour les choses de l’avenir, me fit consentir à un dessein, qui enfin à jetté mon cher Maistre dans le peril où il est. Je ne voulus pas toutefois ceder si tost en apparence : & je resistay encore un peu, à l’amoureux Artamene : mais apres avoir consenty qu’il taschast de se signaler à la guerre que l’on alloit entreprendre ; il ne falut plus songer qu’à le mettre en equipage d’y paroistre en homme de quelque condition. Nous avions encore assez de Pierreries pour cela, & mesme plus qu’il n’en faloit : de sorte que la chose estant absolument resoluë, il escrivit une lettre tres civile à Periandre ; & commanda au Capitaine de son Vaisseau, de reprendre la route de Corinthe : & de l’offrir de sa part à ce fameux Grec, au lieu du sien qui avoit esté coulé à fonds au dernier combat. Or comme le Roy & la Princesse estoient demeurez icy, Artamene les vit encore plusieurs fois l’un & l’autre : Mais quoy qu’il eust pû trouver les moyens de les salüer, il ne le voulut jamais : estant resolu de se faire connoistre, d’une façon plus glorieuse pour luy.

Cependant, ce n’estoient que preparatifs de guerre : & les nouvelles venoient