Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/233

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à la main droite, & une espée courte & large à son costé, pour s’en servir plus commodément, lors qu’il seroit meslé parmy les Ennemis. Jamais je ne le vy si fier ny si beau : & quoy que la Perse ait peu de bons hommes de cheval, il fit pourtant aller le sien avec tant de justesse, & d’un si bel air ; que son adresse le fit remarquer à tout le monde, aussi bien que sa bonne mine.

Les Armées estant donc en estat de venir aux mains, & la charge ayant sonné de part & d’autre ; Artamene qui s’estoit mis au premier rang, ne vit pas plustost branler les premiers Escadrons ; qu’il partit à l’instant comme un foudre ; devança tous les nostres de plus de cent pas ; & fut fondre sur les Ennemis, avec une hardiesse qui les mit en desordre ; qui rompit leurs rangs ; & qui porta d’abord la mort & la terreur, bien avant dans leur Armée. Et certes je me suis souvent estonné comment il ne succomba point, en cette premiere Bataille : estant certain, qu’il essuya toutes les fleches, que les Ennemis tirerent. Apres que ce funeste nuage qui obscurcit l’air à l’approche des deux Armées, fut dissipé, & qu’elles vindrent à se mesler ; Artamene y fit des choses, qui surpassent tout ce que l’on s’en peut imaginer : ces trois javelines porterent la mort à trois des plus braves : & lors qu’il vint à tirer l’espée, malheur à quiconque se trouva devant ses pas : & malheur encore plus grand, à quiconque eut la temerité de l’attendre. Il chercha le Roy de Pont autant qu’il pût, pour s’attacher à un combat particulier avec luy, mais il ne le pût trouver ; le hazard voulant que lors qu’il estoit d’un costé, le Roy de Pont estoit de l’autre. Et quoy que sa valeur éclaircist tous les rangs ; qu’il rompist tous les Escadrons qu’il rencontroit ; & que rien ne peust resister à son