Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/243

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quelle fut la joye, & l’émotion d’Artamene : & si quelque passion qu’il eust pour la guerre, l’amour ne l’emporta pas sur son esprit. Il changea pourtant de couleur, à cette proposition : & n’osant l’accepter sans resistance ; Seigneur, luy dit il, les blessures qui me font porter une écharpe sont si petites, qu’elles ne m’empescheroient pas de combattre vos Ennemis, si l’occasion s’en offroit : c’est pourquoy je ne sçay si dans la crainte que j’ay, qu’il ne s’en presente quelqu’une ; je dois accepter l’honneur que vostre Majesté me veut faire. Non, non, (luy dit Ciaxare, en luy donnant sa lettre pour la Princesse) ne craignez pas que nous combations sans vous : Vous m’avez trop persuadé, que vous nous estes necessaire à remporter la victoire sur nos Ennemis, pour ne vous attendre pas. Il est juste, poursuivit-il, qu’une Princesse qui doit porter la Couronne de Capadoce, aussi tost qu’elle aura l’âge ordonné par nos Loix ; sçache le service que vous luy avez rendu : & qu’elle l’aprenne mesme de vostre bouche : afin que vous puissiez apprendre de la sienne, la reconnoissance que vous en devez esperer. Comme Artamene se preparoit n respondre, Philidaspe qui pour des raisons que vous sçaurez apres, n’estoit nullement bien aise que mon Maistre acceptast cette Commission, prit la parole ; & l’adressant au Roy, d’une maniere fort respectueuse & assez adroite ; Seigneur, dit il en sous-riant, si vostre Majesté a dessein que la Princesse soit bien informée des belles actions que ce genereux Estranger a faites ; il me semble qu’estant aussi modeste qu’il est, ce n’est pas une bonne voye à suivre : & qu’il est à craindre que ce ne soit luy donner un moyen, de dérober beaucoup à sa propre