Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/247

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aurois rendu un service assez important au Roy ; s’il arrive que j’aye le malheur de trouver quelque anthipathie dans son ame ; toutes mes actions, tous mes soings, tous mes services, toutes les vertus du monde si je les possedois ; & toutes les Couronnes de la Terre, si je les avois conquises ; ne m’obtiendroient pas son affection. Je pourrois mesme posseder son estime, que je ne serois pas content : & l’amour, cette passion capricieuse, qui ne se satisfait que par elle mesme, me rendroit tousjours le plus malheureux des hommes, si je ne pouvois trouver en ma Princesse, qu’une simple estime sans cette affection. Les violents transports de son esprit, ne l’empeschoient pourtant pas d’avoir soing de cent petites choses, dont il n’avoit guere accoustumé de se soucier. Aussi tost qu’il fut arrivé à Ancire. Il voulut luy mesme choisir un habillement parmy les siens : & demanda cent fois à Feraulas lequel il devoit prendre, & lequel luy estoit le plus advantageux. Mais enfin s’estant fait habiller, & ayant pris une Escharpe d’une tissu d’or tres beau & tres magnifique, pour soustenir, le bras où il estoit blessé ; il se laissa conduire par Arbace, au lieu où estoit la Princesse. Artamene, Seigneur, nous a advoüé depuis, que le jour du Combat du fameux Corsaire ; ny celuy de la Bataille ; il n’avoit point eu tant d’émotion, qu’il en sentit en celuy-là : & ce grand cœur qui ne s’ébranloit jamais, dans les perils les plus effroyables ; se trouva saisi de tant de crainte, que si la joye ne l’eust un peu moderée, il n’eust sans doute jamais pû se resoudre, des exposer à pouvoir estre haï.

Mais enfin il fut chez la Princesse, qu’Arbace avoit esté voir auparavant, pendant que mon Maistre