Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/249

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bien-faisantes, que ne font que du bien aux hommes, puis qu’elle m’y a fait recevoir l’honneur d’estre connu de vous : & le bonheur d’estre choisi de la Fortune, pour rendre un petit service au Roy, qu’il pouvoit sans doute recevoir mieux de tout autre. La modestie (luy dit la Princesse en sous-riant, & se tournant vers les Dames qui estoient les plus proches d’elle) est une Vertu qui apartient si essentiellement à nostre Sexe, que je ne sçay si je dois souffrir que ce genereux Estranger l’usurpe sur nous avec tant d’injustice, & que ne se contenant pas de posseder la valeur eminemment, où nous ne devons rien pretendre ; il veüille encore estre aussi modeste, quand on luy parle de la beauté des actions qu’il a faites ; que les femmes raisonnables le sont, quand on les loüe de leur beauté. Pour moy (adjousta t’elle, en regardant Artamene) je vous avouë que je trouve un peu d’injustice en vostre procedé : & je ne pense pas que je la doive souffrir : ny m’empescher de vous loüer infiniment, quoy que vous ne le puissiez endurer. Les Personnes comme vous (luy repartit Artamene, avec un profond respect) doivent recevoir des loüanges de toute la Terre, & n’en donner pas legerement : c’est une chose, Madame, dont il n’est pas agreable de se repentir : c’est pourquoy-je vous suplie de ne vous exposer pas à ce peril. Attendez, Madame, que j’aye l’honneur d’estre un peu mieux connu de vous : j’ay desja sçeu par Arbace, luy respondit elle en sous-riant, que l’on vous croit estre d’une Nation, quoy que vous na l’avoüyez pas, qui parmy les grandes qualitez que l’on attribuë à ceux qui en sont, est un peu soubçonnée d’artifice : Mais ce que vous avez fait, merite bien que je vous