Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/295

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Mais en l’occaſion qui preſente, il en va tout autrement : car diſant que je n’ay point veû Artane, je dis tout ce que l’on peut dire centre luy : & je l’accuſe d’un crime, dont il ne peut ſe juſtifier, qu’en faiſant advoüer à Artamene, qu’il l’a veû ; qu’il l’a combatu ; & qu’il la vaincu ; ce qui à mon advis, ne luy ſera pas fort facile. Au reſte comme il ſe fie pas trop aux Exploits qu’il a faits, pour remporter cette fameuſe Victoire ; il oſe encore dire, que quand il auroit fui, je n’aurois pas vaincu, puis que j’aurois combatu, avec inegalité : Mais Seigneurs, où trouve-t’il des Loix, qui authoriſent ſon diſcours ? quand l’on commence un combat, comme celuy dont il eſt queſtion, il faut ſans doute que le nombre des Combatans ſoit eſgal, & que les Armes ſoient ſemblables : Mais dés que ce combat eſt commencé ; chacun peut profiter de tous les avantages que la Fortune luy preſente, ou que ſes Ennemis luy laiſſent prendre. Qu’importe donc ſi un Soldat eſt hors de combat, par ſa mort, ou par ſa laſchete ; s’il ſuit, il eſt auſſi bien vaincu, que s’il eſtoit mort ou priſonnier : & celuy qui ne s’oppoſe à la victoire de ſes ennemis qu’en fuyant ; qui ne ſauve ſa vie qu’en ne l’expoſant pas ; eſt indigne pretendre aucune part, à la gloire du Triomphe. Si celle d’une ſemblable action, conſistoit à ſauver ſa vie ; j’advouë qu’Artane ayant ſi bien conſervé la ſienne, auroit quelque ſujet de dire, qu’il auroit mieux agi que moy, qui n’ay pas ſi bien meſnagé la mienne : Mais la Victoire conſistant icy, en la mort de ſes Ennemis ; il n’aura pas ſans doute l’audace de dire qu’il l’a remportée :