Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/308

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que vous me promettiez la vie. Il y auroit trop peu d’honneur à te l’oſter (luy reſpondit mon Maiſtre, en luy mettant le pied ſur la gorge) pour ne te l’accorder pas : Mais ſonge à ne mentir pas devant nos juges : car enfin rien ne te sçauroit dérober à ma vangeance, ſi tu ne dis la verité toute pure. Les Juges eſtant alors deſcendus de leur Eſchaffaut, furent dans la Lice trouver Artamene : qui les voyant aprocher, Venez, leur dit il, venez aprendre la verité, de la bouche meſme de mon ennemy. Parle donc, luy dit il, ſi tu veux vivre : & ne differe pas davantage ma juſtification Alors le malheureux Artane, preſſé de quelque remords, & beaucoup plus de la crainte de mourri ; raconta en peu de paroles, la verité de la choſe : diſant ſeulement pour ſon excuſe, qu’ayant bien connu, veû la maniere dont on combatoit, que la Victoire ſeroit ſi opinaſtrément diſputée, qu’aparemment tout y periroit ; il avoit voulu taſcher d’avoir par la ruſe, ce qu’il ne pouvoit avoir par la force. Mais enfin il advoüa qu’Artamene eſtoit demeuré luy quinzieſme contre quarante : qu’en ſuitte il avoit combattu dix contre dix : qu’apres il s’eſtoit veû luy ſeptiesme contre ces dix : encore luy ſeul contre trois : de nouveau luy ſeul contre deux : & puis luy ſeul contre Pharnace. Bref il dit tout ce qu’il sçavoit : & la peur de la mort fut plus forte en luy, que celle de l’infamie. Il eſt vray qu’apres s’eſtre ſi mal battu, il ne devoit plus craindre de ſe deſhonorer, l’eſtant preſque deſja, autant qu’on le pouvoit eſtre.

Les Juges ayant entendu tout ce qu’Artane avoit à dire, prierent mon Maiſtre de ſe contenter de ce qu’il avoit advoüé, & de le vouloir laiſſer relever & vivre : qu’il ſe releve & qu’il vive (reſpondit