Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/344

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Artamene examina encore, jusques aux moindres regards de la Princesse, tant que Philidaspe avoit esté aupres d’elle : & quoy qu’il luy eust semblé qu’en effet il avoit esté beaucoup mieux reçeu que luy ; neantmoins il eust voulu qu’il n’y fust point venu du tout : & peu s’en faloit qu’il ne souhaitast que la Princesse l’eust querellé sans sujet. Il se reprenoit pourtant luy mesme, de tant de bizarres pensées, que sa passion luy donnoit : elle qui toute violente qu’elle se faisoit paroistre, luy permettoit pourtant tousjours, d’entre-voir un peu la raison, lors mesme qu’il ne la suivoit pas. Mais enfin Seigneur, le lendemain nous marchasmes ; le jour d’apres nous fusmes à veuë de l’Avantgarde de l’Ennemy ; & à deux jours de là, nous fusmes en estat de donner la Bataille, que les deux Partis desiroient également. Le Roy voulut encore empescher Artamene, de prendre ces Armes si remarquables, mais il n’en pût venir à bout : & je ne vy de ma vie mon Maistre avec plus de joye sur le visage que ce matin là. Pour moy, quelque valeur que je connusse estre en luy, je tremblay de frayeur, à la seule pensée du peril où je le voyois exposé : Feraulas & moy sans luy en parler, resolusmes de le suivre par tout, autant que le desordre d’une Bataille le pourroit permettre : & de tascher de conserver sa vie, aux despens mesme de la nostre. Ciaxare fit tout ce qu’il pût pour l’arrester aupres de luy : & voyant qu’il ne vouloit pas, il luy bailla l’aisle droite de son Armée à commander, & la gauche à Aribée, aupres duquel se rangeoit tousjours Philidaspe.

Enfin Seigneur, sans vous particulariser l’ordre de cette Bataille, il suffit que je vous die qu’elle se donna : & qu’Artamene y fit des choses si prodigieuses,