Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/358

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vie. Si vos blessures ne sont pas dangereuses (respondit Artamene, en regardant celuy qui estoit au lit) vous aurez loisir de reparer vostre faute, par quelque action genereuse : car je ne sçay point punir ceux qui se repentent : ny me vanger de ceux qui ne sont plus en estat de se deffendre. Ha ! Seigneur (s’escrierent ces deux Chevaliers, l’un en joignant les mains, & l’autre en se rejettant à genoux) contre quel homme, ou plus tost contre quel Dieu, nous avoit-on employez ? Contre un homme qui craint les Dieux (repliqua mon Maistre en le relevant d’une main, & tendant l’autre à son Frere) & qui prefereroit la mort à la moindre injustice, & à la moindre lascheté. C’est pourquoy, poursuivit il, oubliant la faute que le malheur de vostre condition vous a fait commettre : & voulant vous recompenser de vostre repentir, & du service que vous m’avez voulu rendre, en m’advertissant qu’Artane est en mon pouvoir : je vous donne la vie ; & vous promets la liberté : que je ne veux pourtant pas vous accorder sans rançon. Ha ! Seigneur, s’escrierent de nouveau ces Chevaliers, demandez nous toutes choses, sans craindre d’estre refusé : car que ne doivent pas des gens, à qui l’on accorde la vie, apres avoir marité la mort ? je veux donc, repliqua Artamene, auparavant que je vous delivre, que vous me juriez solemnellement, que par nulle consideration, vous ne vous porterez jamais plus, à employer vôtre courage & vostre valeur contre qui que ce soit, de la maniere que vous avez fait contre moy : & que vous ne deshonnorerez de vostre vie, la glorieuse profession que vous faites, par des actions qui en sont indignes. Combattez-moy en vaillans Soldats, poursuivit il,