Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/390

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Artamene, que la mienne vous previendra une seconde fois : & que nous sçaurons bien tost si nous nous devons aimer ou haïr. En disant cela, il mit l’espée à la main, aussi bien que Philidaspe : & apres avoir fait faire chacun une passade à leurs Chevaux, comme pour les mettre en haleine ; ils demeurerent un moment vis-à-vis l’un de l’autre, pour prendre leurs mesures, & pour se r’affermir dans la selle. En suite dequoy, Artamene & Philidaspe partant de la main en mesme temps, & se couvrant de leurs boucliers, se heurterent si rudement, qu’ils penserent tomber tous deux. L’espée de Philidaspe glissa sur le Bouclier d’Artamene. & celle d’Artamene effleura legerement le costé droit de Philidaspe. Leurs chevaux qui estoient fort bien dans la main, ne s’emporterent point apres un choc si violent : & ces redoutables rivaux tournant tout court en mesme temps, tascherent de se gagner la croupe autant qu’ils purent : Mais ils estoient tous deux si adroits, & conservoient tant de jugement dans ce combat, qu’il ne leur fut pas possible. Redonnant donc la main à leurs Chevaux, & leur faisant faire une seconde toute bride, l’Espée d’Artamene à cette seconde fois, tombant sur la teste de Philidaspe, & glissant de là sur son espaule, luy fit deux grandes blessures d’un seul coup : celle de Philidaspe aussi, demeura tenite du sang d’Artamene, & luy perça une cuisse d’outre en outre. Mon Maistre se sentant blessé, en devint plus furieux : & Philidaspe de mesme voyant couler son sang de divers endroits, en augmenta sa colère de la moitié. Voila donc ces deux fiers Ennemis, aussi animez que s’ils eussent sçeu tous deux l’un de l’autre & leur condition, &