Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/392

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pas tousjours, si tu es assez inhumain pour me laisser vivre. Ils en estoient là ; & Artamene s’aprochoit pour le soustenir, lors qu’Aribée qui fortuitement alloit à la chasse, parut suivy de grand nombre de personnes : & voyant mon Maistre l’Espée à la main, il vint à luy avec tous les fines, ne sçachant ce que ce pouvoit bien estre. D’abord il fut fort estonné, lors qu’en s’aprochant plus prés, il reconnut mon Maistre, & vit que c’estoit Philidaspe qu’il avoit vaincu : Quoy Artamene, luy dit-il, vous combatez donc aussi bien les Amis du Roy, que ses Ennemis : Je combats, luy respondit-il, les ennemis du Roy, par tout où je les rencontre : Mais je combats aussi les ennemis d’Artamene en quelque lieu que les trouve. Mon Maistre se tournant alors vers ce genereux vaincu, qui mouroit de despit & de douleur, d’estre veû en cette posture, dont il n’avoit pas la force de s’oster ; Philidaspe, luy dit-il en luy rejettant son espée, tu t’en és trop bien servy pour t’en priver : & si tu estois aussi raisonnable que vaillant, tu ne me mettrois jamais en estat de te faire la mesme grace. Artamene sans attendre sa response, voulut remonter à cheval, mais il eut besoin que Feraulas luy aidast ; car la perte du sang l’avoit extrémement affoibly : neantmoins estant un peu soustenu par luy, il se tint encore assez ferme dans la selle, pour pouvoir faire sa retraite. Il n’en fut pas de mesme de Philidaspe : car comme il estoit beaucoup plus blessé, il falut que cinq ou six hommes le portassent sur leurs bras, dans la maison la plus proche, afin de l’y faire penser. Aribée apres avoir laissé des gens avec luy, & donné ordre d’avoir les chirurgiens du Roy pour le secourir ; fut advertir Ciaxare de ce qui estoit arrivé : pour Artamene,