Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/412

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ce lieu-là si beau : qu’elle osa bien dire, qu’elle croyoit qu’Ecbatane ne luy plairoit pas davantage : quoy qu’elle en eust entendu raconter des miracles. Artambare me demanda apres des nouvelles de la Cour : & s’informa de cent choses qu’il ignoroit : parce qu’elles estoient arrivées depuis son départ : & j’eus le bonheur en cette premiere veuë, de trouver beaucoup de disposition à m’aimer, & dans l’esprit d’Artambare, & dans celuy d’Hermaniste. Pour Amestris, ce fut bien assez, de ne pas remarquer qu’elle eust de l’aversion pour moy : & de demeurer dans une incertitude de ses sentimens, qui ne me deffendoit pas absolument d’esperer de n’en estre pas haï. Comme elle a beaucoup de jugement, & qu’elle sçavoit qu’il y a une notable difference, de l’air de la Cour à celuy des Provinces, elle parloit avec moderation, & ne se hazardoit pas legerement : s’estant resoluë de laisser agir sa beauté toute seule, dans les commencemens qu’elle seroit à Ecbatane, avant que de faire éclater les charmes de son esprit. Et veritablement c’est le seul secret infaillible, dont se peuvent servir les Provinciales, en arrivant à la Cour, si elles veulent y aquerir quelque estime : car les manieres d’agir du grand monde, & celles de la campagne sont si differentes ; que quelque adresse que puissent avoir ces Personnes nouvelles venuës ; il est impossible qu’elles ne facent quelques manquemens, si elles se commettent à parler beaucoup : & hors de battre froid en ces rencontres ; & d’escouter long temps les autres, avant que de se vouloir faire escouter soy mesme ; il est, dis-je, absolument impossible, que ces personnes dont je parle ne s’embarrassent, & ne nuisent