Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/417

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ny en son habit ; ny en son langage : & je la considerois comme un Miracle. Or en la considerant de cette sorte, je l’admirois sans doute avec beaucoup de satisfaction : Mais ce qui m’estonnoit le plus, c’estoit de me sentir malgré moy, inquiet, & melancolique. Que veux-je, disois-je en moy mesme, & d’où vient que la beauté d’Amestris ne produit pas en mon esprit, ce que tous les beaux objets ont accoustumé d’y produire ? Car enfin c’est l’ordinaire que la veuë des belles choses, remplit l’imagination d’idées agreables : qui donnent encore du plaisir, lors mesme que l’on ne voit plus ce qui les a causées. D’où vient donc divine Amestris, poursuivois-je, qu’en me souvenant de vous, j’ay de l’inquietude & du chagrin ? au contraire n’ay-je pas sujet d’estre content ? je vous ay veuë le premier ; je vous ay trouvée dans une Maison, où j’ay pû vous rendre une partie de ce qui vous est deû ; & de la façon dont la chose s’est passée, la civilité veut presque absolument que vous me preferiez à toutes les connoissances que vous ferez à la Cour. J’auray du moins cét avantage d’avoir esté le premier à vous connoistre ; à vous admirer ; & à vous…… Je m’arrestois à ce mot là : ne sçachant si je devois dire, estimer, aimer, ou adorer, tant mes sentimens estoient confus : & tant je les connoissois peu moy-mesme. Mais enfin me determinant tout d’un coup, apres avoir esté quelque temps sans parler ; Non non mon cœur, m’escriay-je, en reprenant la parle, ne balançons plus : advoüons que nous estimons ; que nous aimons ; & que nous adorons Amestris : & s’il y a encore quelques termes plus propres à exprimer une violente passion, servons nous en cette rencontre : & publions que nous avons esté heureux, d’estre