Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/426

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j’estois aussi bien qu’avec Artambare : & apres que la conversation eut duré encore quelque temps, je sortis, & m’en allay retrouver Arbate, à qui j’apris la permission que j’avois obtenuë d’Amestris. Je luy racontay tout ce que je luy avois dit, & tout ce qu’elle m’avoit respondu. & comme j’exagerois un peu l’endroit où je l’avois priée despargner la liberté d’Arbate ; advoüez la verité, me dit-il en riant, vous n’estes pas seulement jaloux de Megabise & de plusieurs autres, qui voyent tous les jours Amestris : mais vous l’estes desja d’Arbate, qui ne l’a point encore veuë ; qui ne la vouloit point voir ; & qui ne la verra mesme jamais si vous souhaittez. Arbate me dit cela, avec un sous-ris malicieux, qui me fit quelque confusion de ma foiblesse. Car il est certain, que je n’eus pas plustost demandé à Amestris, la permission de mener Arbate chez elle, que je m’en repentis : & que j’eusse bien voulu, que la chose eust esté encore à faire, pour ne la faire point du tout. Mais enfin, je creus que ce seroit paroistre trop bizarre à mon Amy, que d’en user de cette sorte : & qu’apres ce que j’avois dit à Amestris, elle mesme trouveroit estrangge, que je ne l’y menasse pas. Joint que venant à considerer, que Megabise estoit frere d’Arbate, & Amant d’Amestris, il me sembla que j’estois en quelque sureté : & ce qui m’avoit beaucoup fasché auparavant, ne m’inquieta plus tant apres : m’imaginant qu’Arbate ne se resoudroit jamais, de devenir Rival de son Frere, & de son Amy tout ensemble. J’avois donc esté quelque temps sans parler, apres la proposition qu’il m’avoit faite, de ne voir point Amestris si je le voulois ; lors que reprenant la parole tout d’un