Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/440

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le quitta à cét instant : resolu de chercher toutes les voyes possibles de satisfaire son amour, aux despens de celle de son Frere & de son Amy. Je veux croire, comme il l’a dit depuis, qu’il fut forcé à faire tout ce qu’il fit, par une passion fort violente, & qu’il ne se rendit pas sans combattre : Mais je suis pourtant persuadé, que l’amour quelque forte qu’elle puisse estre, ne doit jamais rien faire faire contre l’honneur, ny contre la probité : & que cette passion toute noble, ne peut, & ne doit point servir d’excuse à une mechante action. Cependant Arbate se trouvoit en un assez estrangge estat : il estoit amoureux d’une Personne qu’il n’osoit aller voir, de peur que le changement de sa vie retirée ne parust trop grand, & ne devinst suspect, & à son Frere, & à moy. Il avoit une amour violente qu’il n’osoit descouvrir : il avoit deux Rivaux qu’il aimoit, & qu’il devoit aimer : son Frere le prioit de ne luy nuire pas ; & il m’avoit promis de me servir : il m’assuroit qu’il faisoit tout ce qu’il pouvoit, pour guerir Megabise de sa passion : & il disoit aussi à Megabise, qu’il en vouloit delivrer Aglatidas : comment donc fera-t’il, pour voir Amestris ; pour trahir son Frere ; pour tromper son Amy ; & pour s’establir à leur prejudice ? Il sçait qu’ils sont inseparables d’Amestris qu’elle voye prendra-t’il donc, pour la pouvoir visiter tous les jours, sans leur devenir suspect l’un ny à l’autre ? & de quel artifice pourra-t’il user, pour venir à bout de son dessein ? Preparez vous Seigneur, à entendre la plus signalée trahison, dont l’amour ait jamais fait adviser personne : & soyez persuadé, que vous ne laisserez pas d’estre surpris, de celle que j’ay à vous raconter. Arbate fut donc quelques jours à me dire qu’il faisoit tous ses efforts, pour guerir son Frere de sa passion : & en effet