Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/442

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les desseins de Megabise : qui aussi bien, me disoit-il, ne luy plairoient pas : quand mesme je n’y eusse point eu de part. Il avoit aussi dit à son Frere, qu’il ne faloit pas me faire une querelle legerement : parce que durant qu’il seroit forcé de s’esloigner apres un combat, d’autres pourroient profiter de son absence. Nous vivions donc de cette sorte : Megabise se pleignant fort, de l’obstacle eternel que je luy aportois : & me pleignant aussi beaucoup de celuy qu’il me faisoit. Pour Amestris, elle vivoit avec une sagesse & une retenuë si grande, que la vertu mesme n’eust pû trouver rien à redire à toutes ses actions : il est pourtant certain, que quelque égalité qu’elle peust aporter, à la civilité qu’elle avoit, pour tous ceux qui l’aprochoient : l’on remarquoit toutefois que Megabise & moy, avions un peu plus de part en son estime, que tout le reste du monde ; & qu’Otane, que vous avez peut-estre veû à la Cour de Medie, estoit le plus méprisé & le plus haï. En mon particulier, il ne me sembloit pas que je fusse mieux avec elle, que beaucoup d’autres y estoient : & il me sembloit mesme, que Megabise y estoit un peu mieux que moy : de sorte que je ne pouvois m’empescher de m’en pleindre eternellement à Arbate. Megabise de son costé, croyoit que j’estois mieux traité que luy, & s’en pleignoit aussi à son Frere : qui enfin se détermina à nous trahir également. Un soir donc qu’il estoit dans ma chambre, & que nous y estions seuls ; mon cher Arbate, luy dis-je, jusques à quand m’entretiendrez vous d’esperance ? & jusques à quand seray-je persecuté, par la passion de Megabise ? Pourquoy faut-il, disois-je, que les yeux d’Amestris ayent esté choisir le Frere de mon Amy,