Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/446

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moy encore que vous soyez le sien, & que je sois vostre Frere : Mais qui au contraire, m’a cent & cent fois demandé pardon, de ce que son malheur l’avoit engagé à aimer Amestris. De plus, il l’a aimée auparavant que vous la connussiez : & il m’avoit mesme donné quelque legere esperance ces jours passez, de & guerir de cette passion ; pour l’amour de vous & de moy. Cependant à ce que je voy (poursuivit l’artificieux Arbate, feignant d’estre en colere, & de s’en vouloir aller) vous recevez si mal les bons offices que l’on vous rend, qu’il ne vous en faut plus rendre. Ha mon Frere ! (s’escria Megabise en le retenant) pardonnez à un malheureux, qui n’a pas l’usage de sa raison : & ne l’abandonnez point dans son desespoir. Je voy que vous aimez si fort mon Rival, poursuivit-il, que j’ay pensé vous prendre pour luy ; & malgré moy, & presque sans que je m’en sois aperçeu, la colere m’a surpris : & m’a peut-estre forcé de vous dire quelque chose qui vous a dépleu. Mais pardonnez le moy, je vous en conjure : & s’il est vray que vous m’aimiez, & que mesme vous aimiez Aglatidas ; ostez luy l’amour qu’il a pour Amestris, car je ne la puis plus souffrir : & il faut que je meure, ou qu’il cesse de l’aimer, de quelque façon que ce soit. Vous estes bien violent, luy repliqua Arbate ; & quelle apparence y a-t’il, de pouvoir servir un homme incapable de raison, & qui veut que l’on renonce à toute sorte de generosité, pour contenter sa passion déreglée ? L’amour, reprit Megabise, excuse presque toutes sortes d’injustices : souvenez vous de ce que vous dites, reprit Arbate, & voyons un peu si pour empescher que je ne sois exposé à voir mon Frere & mon Amy l’espée à la main l’un contre l’autre ; il