Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/468

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contre Aglatidas : & si nous sommes en termes de pouvoir suivre vostre conseil.

A ces mots, Arbate qui sans doute ne nous l’avoit donné que dans la pensée qu’Artambare ne voudroit pas accorder sa Fille, à des gens qui avoient querelle, & qu’il profiteroit de nostre infortune ; changea de couleur, & me regardant alors avec des yeux où la rage & le desespoir paroissoient egalement ; il est donc vray Aglatidas, me dit-il, que l’on vous a promis Amestris, & qu’Amestris y consent ? Il est vray, luy dis-je, que je joüis de ce bonheur : & que la belle Amestris, obeït sans murmurer. Ha s’il est ainsi (dit-il en m’interrompant, & en regardant son Frere ; ) laissez moy, Megabise, laissez moy le soing de combattre un Amant heureux d’Amestris, & ne vous en meslez pas, car j’y ay plus d’interest que vous : & Aglatidas mesme, sera encore plus innocent d’avoir causé ma mort que la vostre si elle arrive. En disant cela il s’en vint de mon costé, avec une fureur estrangge : d’abord je laschay le pied, & ne pouvant à fraper mon Amy, & ne pouvant aussi me retirer de l’estonnement, où venoient de me mettre ses paroles. Megabise qui est genereux, se mettant alors entre son Frere & moy, insensé, luy dit-il, tu veux donc te couvrir d’infamie, & m’en couvrir en mesme temps ; faisant croire à tout le monde, veû ce que tu m’es, que nous aurons esté deux à combattre un homme seul, & que nous l’aurons assassiné ? Retire toy ; ou les sentimens de l’honneur & de l’amour, me feront oublier ceux de la Nature. A ces mots j’abaissay la pointe de mon espée, pour faire voir à Arbate, que je n’avois pas dessein de m’en servir contre luy : quoy Arbate, luy dis-je, dois-je croire ce que je voy ? & Aglatidas pourra