Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/497

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A ces mots il s’arresta : & il attendit la response d’Amestris avec une impatience, que je pouvois aisément discerner. Mais helas, la mienne estoit bien encore plus cruelle ! Et quand je pensois que peut-estre ce qu’Amestris alloit respondre, seroit favorable à Megabise ; il s’en faloit peu que je ne me resolusse à sortir du lieu où j’estois, pour interrompre leur conversation. Neantmoins comme c’est le propre de la jalousie, de se nourrir de poison ; de chercher ce qui l’entretien ; & de fuir ce qui la peut détruire ; je demeuray à ma place : & je taschay de connoistre sur le visage de Megabise, si la response d’Amestris luy seroit favorable : car comme je l’ay desja dit, je ne voyois pas le sien. Cette sage Fille donc, comme je l’ay sçeu depuis, estant touchée de quelque compassion pour Megabise, se resolut d’essayer de le guerir, en luy apprenant ses veritables sentimens. Mais admirez Seigneur, les bizarres effets de l’amour ! Amestris dit plus de choses à mon advantage à Megabise, qu’elle ne m’en avoit dit en toute sa vie : & pendant qu’elle les disoit, je luy disois presque des injures dans mon cœur : prenant toutes ses actions pour des tesmoignages de sa nouvelle passion : & toutes ses paroles que je ne pouvois entendre du lieu où j’estois, pour des infidelitez. Apres donc qu’elle eut resvé un moment, à ce qu’elle luy devoit respondre ; je ne sçay luy dit elle, si ce que vous me dites, sont vos veritables sentimens : mais je sçay bien, que je vous déguiseray point les miens. Sçachez donc Megabise, que je vous ay estimé autant que vous meritez de l’estre : & que j’ay eu mesme de l’amitié pour vous, tant que j’ay creu que vous n’aviez que de la civilité pour moy. Mais dés lors que vous m’avez