Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/500

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que vous partagiez vostre cœur : non Madame, ne pouvant avoir de place en vostre affection, de la façon dont je l’ay souhaité ; ne m’en donnez ny en vostre estime, ny en vostre amitié. Confondez toutes ces choses, en faveur du trop heureux Aglatidas : & n’accordez rien au malheureux Megabise, qu’une seule grace qu’il a dessein de vous demander. Apres cela Madame, il vous tiendra sa parole : il ne vous parlera plus : il ne vous verra mesme plus : & peut-estre encore ne vivra-t’il plus. Quoy qu’il en soit Madame, poursuivit-il les larmes aux yeux, ne me refusez pas : & souffrez du moins, que dans l’exil que je premedite, je puisse dire, que vous ne m’avez pas tout refusé. Assurez vous, luy dit alors Amestris, que tout ce qui n’offensera ny mon devoir, ny Aglatidas, ne vous sera point dénié. Dittes donc seulement Madame, adjousta-t’il, que si le desesperé Megabise eust esté heureux, il eust pû estre aimé de la divine Amestris : & qu’estant infortuné, elle à du moins quelque legere compassion de son infortune. Je vous ay desja dit le premier, luy respondit elle : & pour le second, comme je ne suis ny aveugle, ny stupide, je voy les choses comme elles sont, & comme je les dois voir : & pour dire plus, je les sens comme je les dois sentir. Mais n’en demandez pas davantage : & vous souvenez de vos promesses. Je mourray si je m’en souviens Madame, luy respondit-il : mais je ne les oublieray pourtant jamais. A ces mots il se jetta à genoux pour luy rendre grace, & pour luy dire un dernier adieu : & sans qu’elle eust le temps de s’y opposer, ny de faire aucune action qui peust tesmoigner qu’elle ne l’agreoit pas, il luy baisa deux fois la main.

O Dieux, Seigneur, que devins-je ! lors que je vy ce que je