Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/508

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Admirez Seigneur, je vous supplie la bizarrerie de mon advanture : si j’eusse reçeu cette Lettre auparavant que d’avoir veû ce que mes yeux pensoient m’avoir monstrré, j’en eusse esté ravy de joye : car enfin j’eusse bien entendu que cette Solitude de laquelle Amestris parloit, n’estoit aimée que pour l’amour d’Aglatidas. J’eusse bien compris encore, que cette seule personne qu’elle pouvoit souffrir, estoit m’a Parente, avec laquelle elle pouvoit parler de moy. Je n’eusse pas ignoré non plus, qu’elle n’alloit à la Fontaine du Parterre de gazon, que pour s’y souvenir de la derniere fois que je l’y avois veuë ; & j’eusse bien entendu sans doute, que la fin de sa Lettre estoit infiniment tendre & obligeante : puis qu’en me disant qu’il estoit bon pour mon repos que je ne sçeusse pas ses resveries ; j’eusse bien compris qu’elle vouloit dire, que la connoissance de sa douleur augmenteroit la mienne : & j’eusse enfin bien entendu, qu’une personne aussi retenuë qu’elle est, ne pouvoit exprimer la tendresse de son affection, plus fortement ny plus galamment, qu’en me disant à la fin de sa Lettre, que peut-estre estoit-il aussi avantageux pour elle, que je ne devinasse pas ses pensées. Cependant Seigneur, cette Lettre fit un effet bien different dans mon esprit : & l’expliquant d’un sens tout opposé, à celuy qu’elle avoit effectivement ; je trouvois quelque chose de si inhumain, de voir qu’en me trahissant, Amestris se fust donné la peine de m’escrire d’une maniere, où il y avoit un sens caché ; que je ne doutay presque point, que pour obliger Megabise, elle ne luy eust monstrré ce qu’elle m’avoit escrit. Ouy, ouy, infidelle Amestris (disois-je en relisant cette Lettre, & en la repassant presque parole pour parole) j’ay eu quelque curiosité de sçavoir, ce que vous faisiez, & quels