Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/512

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qu’il y avoit tousjours pour Amestris, luy proposa d’aller faire un voyage à la Province des Arisantins, où estoit la plus grande partie de son bien, pour y donner ordre à quelques affaires pressantes : car Seigneur, l’on n’avoit point sçeu à la Cour, où je m’estois retiré : & cét homme ne sçavoit pas que j’y fusse. Amestris qui ne pouvoit souffrir la Cour qu’avec peine, & qui estoit bien aise de pouvoir cacher son chagrin, y consentit facilement : & d’autant plus tost, à ce que je sçeu depuis, qu’elle espera que venant à la mesme Province où j’estois, elle pourroit du moins apprendre la cause de mon changement, dont elle n’avoit pû rien sçavoir. Cependant comme l’absence de Megabise avoit facilité mes affaires, mon Pere ayant enfin obtenu ma grace du Roy, m’ordonna de m’en retourner à Ecbatane, dans le mesme temps qu’Amestris en partoit. Je vous advoüe que je reçeus la nouvelle de la fin de mon exil avec douleur : & que j’eusse bien voulu que mon bannissement eust duré plus long temps. Neantmoins je pense, à dires les choses comme elles sont, que me voulant trahir moy mesme, je fis semblant de croire que mon cœur estoit assez bien guery, pour ne craindre plus que ses blessures se pussent r’ouvrir par la veuë d’Amestris. Je partis donc, & m’en retournay à Ecbatane sans la rencontrer : parce qu’elle avoit pris un chemin different de celuy que je tins. De vous dire Seigneur, quel trouble d’esprit fut le mien, en approchant d’Ecbatane ; en y entrant ; & en passant devant la porte du Palais d’Artambare ; c’est ce que je ne sçaurois faire. Je craignois de rencontrer Amestris : & je la cherchois pourtant exactement des yeux, en passant dans toutes les ruës : je me persuadois pour me