Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/520

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mourir, un peu plustost, par la seule esperance de pouvoir vivre plus long temps. Mais croyez vous, luy dis-je, que je puisse, je ne dis pas aimer une autre beauté, mais seulement la souffrir ? Vous le pourrez sans doute si vous le voulez, me respondit-il, car enfin d’abord il ne faut avoir dessein que de feindre d’aimer quelque belle Personne ; car peut-estre viendrez vous à l’aimer effectivement. Si cela arrive, vous vous moquerez de l’inconstrance d’Amestris : & si cela n’est pas, vous vous vangerez au moins, de l’outrage que vous avez reçeu d’elle. Peut-estre mesme, continua-t’il, que cette feinte ramenera vostre Maistresse à la raison : & que ce que vostre amour ne vous a pas donné, sa jalousie vous le donnera. Ce remede, luy dis-je, est bien dangereux & bien incertain, pour estre si difficile : car enfin vous dites que peut-estre j’aimeray ; que peut-estre je n’aimeray pas ; que peut-estre je me vangeray ; que peut-estre Amestris reviendra de son erreur ; en un mot, tout est fondé sur un peut-estre : c’est à dire à peu prés sur rien : & je voy pour conclusion, tant d’incertitude en ce remede, que je ne le trouve pas fort bon. En avez vous un autre ? me dit-il ; j’en ay plus infaillible, luy dis-je, qui est la mort : qui me delivrera sans doute de toutes mes peines. C’est le dernier qu’il faut tenter, me respondit Artabane ; & il ne le faut au moins prendre que lors que l’on a essayé vainement tous les autres.

Enfin Seigneur, quoy qu’il me peust dire, je ne me rendis point de tout ce jour là : mais quelque temps apres, ayant sçeu qu’Amestris devoit revenir, il me persecuta de telle sorte, de vouloir suivre son conseil ; que je m’y resolus, quoy que ce ne fust pas sans peine. Il y avoit alors à la Cour, une Fille nommée Anatise,