Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout le monde se trouva d’un mesme Parti : & Artamene encourageant les siens, & leur monstrrant par son exemple, ce qu’il faloit faire pour esteindre le feu ; ce Peuple fut ravi de voir de charitables Ennemis. Ils abatirent des maisons avec des Beliers : ils employerent leurs Boucliers à jetter de l’eau, sur tout ce qui tomboit d’enflamé, de peur que cela n’embrazast ce qui ne l’estoit pas encore ; & enfin ils n’oublierent rien, de tout ce qu’ils jugerent qui pouvoit servir. Tous les Chefs firent des miracles en cette journée : mais entre les autres, Aglatidas sembloit avoir eu dessein, de chercher plustost la mort que la victoire ; tant il s’estoit courageusement exposé à la fureur des flames, & au desespoir des Ennnemis.

Cependant Artamene voyant que le feu commençoit de diminuër, se resjoüissoit en luy mesme, dans l’esperance qu’il avoit, de revoir bien tost sa chere Princesse. Elle est, disoit-il en son cœur, dans cette Tour : & si je ne suis le plus malheureux des hommes, je verray dans quelques moments, cette adorable personne : & j’entendray peut-estre sa belle bouche, m’appeller son Liberateur. Enfin, disoit il encore, je verray bien tost l’objet de ma haine & de mon amour. En effet, le feu ayant esté esteint de ce costé là ; & estant arrivé à la porte de la Tour, qui commençoit desja de s’embrazer, il envoya s’asseurer de toutes les portes de la Ville ; mais comme il voulut faire enfoncer celle de cette Tour, ne sçachant s’il n’y trouveroit point encore quelque resistance ; il vit un homme de fort bonne mine qui la luy ouvrit ; & qui au lieu de luy en disputer l’entrée, comme il eust fait, s’il ne l’eust pas reconnu auparavant du haut des creneaux ; luy dit avec beaucoup de respect, Seigneur, si le Nom de Thrasibule n’est pas sorti de vostre