Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/540

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qu’il y en eut d’autres où je trouvay Anatise, laide, & Amestris admirablement belle ! Cependant Anatise, qui comme je vous l’ay dit, vouloit triompher pleinement, & s’assurer mieux de sa conqueste ; parla malicieusement à Amestris, & en l’abordant, je m’estime bien heureuse, luy dit elle, d’avoir rencontré une si agreable compagnie, en un lieu que l’on a accoustumé de trouver fort solitaire : & j’ay raison de me la croire, puis que ne cherchant icy que le seul plaisir de la promenade, j’y ay encore trouvé celuy de la conversation. La mienne, respondit froidement Amestris, est si peu agreable, que vous auriez grand sujet de vous plaindre, si vous n’en aviez point trouvé de plus propre à vous divertir. Si vous vouliez reconnoistre des Juges, repliqua malicieusement Anatise, je m’assure que Megabise que j’ay veû ce me semble aupres de vous, ne seroit pas de vostre opinion : & qu’Aglatidas mesme prononceroit en ma faveur. Pour moy, dis-je avec une confusion estrangge, je ne doute point que Megabise ne trouvast Amestris incomparable en toutes choses : & je ne feray nulle difficulté d’avoüer, adjoustay-je en changeant de couleur, qu’il a sujet de publier, que la conversation d’Amestris est la plus complaisante du monde quand elle veut : & la plus contredisante aussi quand il luy plaist, me repliqua-t’elle. Ha Madame (luy dit Anatise, qui estoit ravie de voir quelques marques de colere sur le visage d’Amestris) ne soyez pas aujourd’huy de cette humeur : & resoluez vous de souffrir toutes les loüanges que je vous veux donner. J’en merite si peu, respondit-elle, que je ne vous conseille pas de les employer si mal à propos. Il est une espece d’humilité, reprit Anatise, où la