Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/542

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homme de ma connoissance : avec intention d’envoyer le lendemain de mes nouvelles à Megabise, afin de le revoir l’espée à la main. Je ne voulus point en faire advertir Artabane, parce que je sçavois qu’il s’opposeroit à mon intention : mais helas, je ne sçavois pas, que si je l’eusse veû, j’eusse esté aussi heureux que j’estois infortuné. Cependant Amestris qui n’avoit bien traitté Megabise que pour me fascher ; ne m’eut pas plustost perdu de veuë, que ne pouvant plus souffrir la conversation de sa Rivale, elle chercha un pretexte pour la quitter : & la laissant dans ce Jardin, elle s’en alla se pleindre en secret de son malheur, avec sa chere Menaste. Pour Megabise, l’on peut dire qu’il ne vit la bonne fortune que comme un esclair : qui en finissant aussi tost qu’il a commencé de paroistre, fait trouver les tenebres plus espaisses & plus insupportables qu’auparavant. Quant à Anatise, si la joye qu’elle eut d’estre preferée à Amestris, dura un peu davantage ; ce ne fut non plus que pour l’affliger plus sensiblement apres. Pour moy Seigneur, je ne m’estois jamais trouvé si malheureux que je me le trouvois : encore, disois-je, la premiere fois que je vy Amestris favoriser Megabise, j’avois cét advantage, qu’elle m’estimoit encore assez, pour se donner la peine de me tromper : elle ne sçavoit pas que je la voyois : & dans le mesme temps qu’elle luy parloit avec douceur, elle m’escrivoit au moins sans rudesse. Je pouvois mesme penser, que son cœur pouvoit estre partagé, & qu’il ne l’occupoit pas si absolument, qu’il n’en demeurast une partie pour moy : de plus, il la voyoit pour luy dire adieu : mais aujourd’huy, il revient pour ne la quitter plus sans doute : & Amestris estoit certainement