Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/549

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tout inconstrant qu’il est, aura quelque repentir de sa faute. Mais un repentir inutile : car enfin en espousant Otane, je luy seray aussi fidelle que si je l’aimois, & que s’il estoit le plus accompli de tous les hommes. He Dieux, interrompit Menaste, songez vous bien à ce que vous dittes ? & pourrez vous avoir assez de resolution, ou pour la mieux nommer assez d’inhumanité envers vous mesme, pour vous exposer au plus grand malheur qui puisse arriver ? Pourrez vous souffrir toute vostre vie, la presence d’un homme, de qui la conversation vous a tousjours esté insuportable, pour une heure seulement ? Je la souffriray sans doute, respondit Amestris, dans l’esperance que les maux que j’endureray, me justifieront dans l’esprit d’Aglatidas : & qu’apres avoir justifiée, ma mort arrivant infailliblement bientost en suitte, je laisseray dans son ame un douleur qui n’aura jamais de fin. S’il me demeuroit quelqu’autre voye de me justifier, peut-estre ne prendrois-je pas celle-là : mais apres tout, Aglatidas ne se plaignant pas, le moyen de deviner son mal & de le guerir ? Mais, luy dit Menaste, les apparences font quelquefois si trompeuses : que sçavez vous s’il n’y a point eu quelque chose, qui ait fait naistre la jalousie d’Aglatidas, que nous ignorions absolument ? Quand cela seroit, respondit Amestris, Aglatidas n’en seroit pas plus innocent : j’advoüe qu’il pouvoit estre un peu jaloux sans m’offencer : mais il ne pouvoit jamais aimer Anatise, sans me faire un outrage irreparable. Ainsi Menaste, il faut s’il est possible, que je destruise cette amour naissante, par une douleur eternelle, & par un repentir inutile. Mais ne songez vous point, luy dit Menaste, qu’? détruisant cette amour par une si estrangge