Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/572

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comment le pourrois-je dire, moy qui ne l’ay pû quand je l’ay creû infidelle ? Parlez donc Menaste, je vous en conjure : vous avez de l’esprit, de la vertu, & de l’amitié ; de grace conseillez moy donc : mais conseillez moy fidellement. Toutefois (reprit elle, sans luy donner loisir de respondre) il vaut mieux ne demander point de conseil ; & fuir une si dangereuse occasion. En disant cela, elle commença de marcher pour s’en aller : lors que Menaste la retenant, luy fit prendre garde que j’arrivois. Elle ne me vit pas plustost, qu’elle essuya ses larmes : & se destournant à demy pour se cacher de moy, j’eus loisir de me jetter à genoux, auparavant qu’elle se fust entierement remise. Je creus bien Seigneur, que j’avois quelque part en la douleur que je remarquay sur le visage d’Amestris : ce qui augmenta si fort la mienne, qu’à peine puis-je ouvrir la bouche pour luy parler. Neantmoins apres m’estre fait quelque violence, vous voyez à vos pieds, luy dis-je, Madame, le plus criminel, le plus innocent, & le plus malheureux de tous les hommes : qui comme criminel, vient vous demander punition ; qui comme innocent, vient pour se justifier devant vous ; & qui comme malheureux, vient du moins chercher en vostre compassion, quelque soulagement à ses maux. Ce n’est pas, Madame, que je cherche à vivre : mais je cherche à mourir, & plus doucement, & plus glorieusement tout ensemble. Cela sera ainsi divine Amestris, poursuivis-je, si vous voulez seulement m’avoüer, que je n’ay pas merité mon infortune : & que vous ne m’aviez pas jugé indigne d’un destin plus heureux. Je ne sçay Aglatidas, me respondit elle en me relevant, ny ce que je vous dois respondre ; ny mesme si je vous dois escouter : mais je sçay