Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/574

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par une autre. Ha Madame, luy dis-je, ne me reprochez point la seule faute que j’ay faite, mais que j’ay faite par le conseil d’autruy : il est vray, j’ay feint d’aimer Anatise : mais ç’a esté parce que je vous aimois tousjours. Cette amour aparente n’estoit qu’un effet d’une amour veritable : & je ne sçay comment l’adorable Amestris à pû se laisser tromper par un artifice si grossier, & où j’aportois si peu de soin. Ne pensez pas Madame, que j’aye prophané les mesmes paroles que j’ay employées, à vous persuader mon affection, & que je m’en sois servy aupres d’Anatise. Non, je ne luy ay jamais dit que je l’aimois : je luy ay laissé expliquer ma melancolie comme il luy a pleû : mais je n’ay jamais pû luy dire je vous aime. J’avoüe que je l’ay voulu quelquesfois : mais malgré moy, mon cœur & ma bouche vous ont esté fidelles. Enfin Madame, je puis vous assurer, que je ne vous ay jamais donné de si grandes preuves d’amour, que lors que vous n’en avez point reçeu. Ouy Madame, quand je vous fuyois ; quand vous croyez que je cherchois Anatise ; c’estoit lors que je vous donnois des preuves convainquantes de la grandeur de mon affection. Car enfin, que j’aiye aimé la plus belle personne du monde, tant qu’elle m’a esté favorable ce n’est pas une chose fort extraordinaire : mais que j’aye continué de l’aimer, lors que je croyois qu’elle m’avoit abandonné ; qu’elle m’avoit trahy ; & qu’elle en aimoit un autre : & que de peur de luy monstrrer ma foiblesse, j’aye esvité sa rencontre, & j’ay fait semblant d’aimer ailleurs : ha Madame, c’est là ce qui fait voir, que rien ne peut faire finir ma passion que la mort : & que vous regnerez dans mon cœur eternellement. Amestris pendant ce discours, tenoit