Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/583

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demanda pardon, d’avoir renouvellé toutes ses douleurs ; & luy tesmoigna en avoir esté tres sensiblement touché. J’advoüe, luy dit il, que vous estes infiniment à pleindre : & que ce n’est pas un evenement fort ordinaire, que celuy qui vous a rendu malheureux. Mais apres tout, luy dit il encore en souspirant, vous sçavez qu’Amestris est vivante : & vous ne pouvez presque pas douter qu’elle ne vous aime encore. Ainsi vous pouvez esperer du Temps & de la Fortune, quelque changement en vostre affliction : mais j’en connois de plus infortunez que vous. Je ne sçay Seigneur, repliqua Aglatidas, si cela peut estre : mais je sçay bien que quand j’aurois perdu une Couronne, en perdant Amestris ; & que l’ambition de seroit jointe à l’amour pour me persecuter ; je ne serois pas plus melancolique que je le suis. Cependant Seigneur, poursuivit il, c’est estre bien genereux, de vouloir plus tost vous interesser, dans les malheurs d’autruy que dans les vostres : Vous portez des chaines assez injustes & assez pesantes, pour vous en pleindre, plus tost que de vous arrester à pleindre Aglatidas, qui n’est pas digne de cét honneur. Aglatidas, luy respondit il, est digne de l’amitié de tout ce qu’il y a de Grand au monde : & c’est ce qui me fait esperer, que les Dieux feront un jour finir ses malheurs. Quand j’aurois quelques bonnes qualitez, reprit il, ce que vous dites ne me donneroit pas grand espoir : & tant qu’Artamene sera malheureux, je ne voy pas que les personnes qui ont de la vertu, doivent fonder leur esperance sur cette raison, qui n’est pas tousjours infaillible. C’estoit de cette sorte qu’Artamene & Aglatidas s’entretenoient, lors qu’Andramias les advertit qu’il estoit temps de se retirer. Aglatidas